Mon Job ? Rendre service ! #1

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L’été dernier, nous avions rappelé des moments oubliés de l’histoire de la commune. Cette année, nous souhaitons dessiner quelques figures d’agents publics locaux. Cette nouvelle mini-série estivale doit beaucoup aux échanges que nous avons avec les agents communaux. Les employés de mairie font rarement parler d’eux. La motivation de service public est souvent la plus forte, mais ils ne sont pas épargnés par la souffrance au travail.

Les raisons en sont multiples : les réorganisations menées au pas de charge, le surmenage, les conflits avec la hiérarchie ou entre collègues, les restrictions budgétaires, l’insuffisance des effectifs et la montée des exigences des administrés. Bref, les agents des communes ont besoin que le travail accompli soit reconnu, par leur encadrement, par les élus et par le public. En aidant à mieux les connaître, on espère y contribuer. Cette fois encore, on a fait appel à la « plume » imaginative et libre (très libre !) de Fabrice Hamelin.    

PORTRAIT # 1

Véronique est fatiguée. Ce soir, elle essaie de se raisonner en pensant à ses collègues, à ceux qui déneigent, au petit matin, les axes routiers que tout le monde emprunte pour descendre à la gare et aller au travail. Si cela ne la réconforte pas, cela la fait sourire. On est en plein été ! Elle aurait dû penser à la chaleur qu’affrontent les collègues des espaces verts et de la voirie. Bizarre, parfois les raccourcis qu’on fait ! 

Aux espaces verts, ils sont vraiment en sous-effectifs et ça râle.  Les départs ne sont pas remplacés et ça se voit dans les rues. Au dernier CHSCT, c’est elle qui a soulevé la question. Il fallait bien que quelqu’un le fasse. La réponse des élus lui a paru pathétique : il faut revoir les méthodes de travail ! La réponse était à peu près la même pour les animateurs, pour lesquels les démissions et, depuis quelques mois, l’absentéisme augmentent. Bien entendu, le manque d’attractivité de la commune peut l’expliquer. Elle est bien placée pour savoir que les salaires sont loin d’être mirobolants ! Et, pour eux, c’est pas compliqué de trouver mieux ailleurs. Mais, on ne peut pas fonctionner comme ça, tout le temps, en effectif réduit. les agents sont fatigués et les gamins méritent mieux…

Quand elle pense aux collègues, elle se dit qu’il est pas si mal son boulot d’ATSEM. Au départ, elle a hésité. A 35 ans, se mettre à préparer un CAP Petite enfance, c’était pas gagné. Mais elle l’a eu et le concours aussi ! Il y a trois ans, elle ne savait même pas ce que voulait dire ATSEM  : Agent spécialisé des écoles maternelles ! C’est une voisine, quand elle a déménagé, qui lui a parlé de son travail. Et puis, elle avait besoin de stabilité, marre aussi d’enchaîner les petits boulots, les ménages à droite, à gauche, les périodes sans rien aussi. 

Aujourd’hui, les doutes se sont envolés. Elle aime son travail auprès des enfants. Elle s’est aussi aperçue que cela correspondait bien à ses qualités à elle : l’amour des enfants, la patience, la bonne humeur, l’entraide, le relationnel…  Pour le coup, c’est une vraie mission de service public, en contact direct avec les usagers, fussent-ils les plus petits d’entre eux ! 

Au quotidien, ce n’est pas toujours simple. Elle aide les enfants, à se vêtir, à aller aux toilettes, etc. Elle entretient la propreté du matériel et des locaux. C’est le plus désagréable, en fin de journée… Le bruit continu, les pleurs aussi, c’est ce qui la fatigue le plus. Mais elle aide aussi la maîtresse, pour l’accueil, les sorties, la vie dans la classe et la préparation du matériel. Elle aime bien aussi quand l’instit lui propose d’animer des petits ateliers de peinture ou de cuisine. Ces missions pédagogiques ne sont pas clairement reconnues, pas vraiment valorisées non plus. C’est peut-être un point qu’il faut qu’elle aborde en réunion syndicale… Comme la question des effectifs. Bien entendu, il y a une réalité économique mais il y a aussi des choix politiques. La vérité, c’est qu’il faut une ATSEM par classe et c’est pas toujours le cas !

Mais ce ne sont pas les tâches ou les activités qu’on lui confie qui lui posent problème. C’est plutôt la place qui est la sienne. Elle est employée municipale mais elle travaille au quotidien avec les maitresses qui, elles, relèvent de l’éducation nationale. C’est un peu étrange cette double tutelle dont les exigences divergent parfois. Il est difficile pour l’employeur de voir le travail réellement effectué et les enseignants, qui sont au plus près des ATSEM, ne sont pas leur véritable hiérarchie ! Et, puis, les relations sont aussi parfois compliquées avec les animateurs. Ils sont plus jeunes, plus diplômés mais aussi plus précaires. C’est aussi un peu le cas avec les AVS (auxiliaires de vie scolaire) dont les parcours de vie sont différents du sien.

Mais voilà, il y a toujours des moments magiques, comme ce soir, en remontant vers la rue de Claye, par les escaliers de la sente, avec ce sourire timide et ce chuchotement du petit garçon : “maman, c’est Véronique !” Il faudra peut-être qu’elle y songe, elle aussi, à avoir un enfant.  Cela aussi la fait sourire. Bizarre, parfois, les détours qu’on prend… 

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