Souriez, vous êtes filmés

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Ils ont plié. Ils ont cédé ! Des caméras de vidéosurveillance seront finalement installées au centre-ville de Thorigny sur Marne. C’était une des informations distillée lors de la réunion publique consacrée à la revitalisation du centre-ville et depuis relayée avec un grand sourire par la presse locale.

Elles seront d’abord quatre, comme le seront les policiers municipaux, qu’on attend depuis presque aussi longtemps, diront les mauvaises langues. Pourvu qu’on ne leur demande pas de les porter à l’épaule ajouteront les plus taquins ! 

Ils s’y sont opposés pendant dix ans

Le maire et la majorité municipale s’y sont opposés pendant plus de 10 ans. Mais les élections municipales approchent, et visiblement au grand galop, au point de rendre possible ce qui ne l’était pas jusque-là. Il est même envisagé de demander à être connecté au centre de surveillance urbaine attendu à Lagny. C’est un minimum, sinon les caméras ne serviront à rien. Elle ne seront qu’un leurre. Thorigny n’a pas les moyens financiers et humains de déployer un centre de visualisation des images.

En juin 2015, la presse locale pouvait s’interroger : “un nouveau stade  et des cameras de surveillance à Thorigny sur Marne ?” Et bien, quatre ans après, il est possible de lui répondre : elles seront inscrites au budget 2019 ! Mais, à l’été 2015, il s’agissait de les installer à la gare. Il s’agissait surtout de répondre à un projet, porté par l’intercommunalité, auquel la majorité avait répondu par la négative en… 2011 !  

En 2015, une discussion totalement impréparée

Lors du conseil municipal de 2015 consacré à cette question, l’équipe municipale avait été incapable d’apporter des éléments de réflexion concrets. Fabrice Hamelin, pour TDS, avait alors dénoncé « une discussion totalement impréparée » et souhaité « une réflexion construite, documentée, sur ce projet ». Quatre années après, a-t-il été entendu ? Rien n’est moins sûr. La décision est aujourd’hui justifiée ” par un plébiscite” des habitants de la commune !?

Extrait du VAT n°27 de juin 2016

Nous nous sommes exprimés à plusieurs reprise sur la (pas si grande) consultation. Disons ici simplement que le “plébiscite” pour la vidéosurveillance émane de 61 % des répondants à la question posée, soit 376 personnes … Que la consultation s’est tenue en mai 2016 ! Que seuls 651 habitant(e)s avaient alors participé à la consultation ouverte aux plus de 16 ans… Bref, la municipalité se réfugie derrière un sondage simpliste et largement boudé par les habitants pour prétendre que les Thorigniens la réclament. 

En 2019, aucune étude sérieuse mobilisée

Bref, en 10 ans, aucune étude sérieuse n’a été menée sur le sujet à Thorigny sur Marne. Aucun avis collectif solide n’a été recueilli. Aucune information technique ou financière fiable n’a été  apportée aux habitants. Bref,  c’est au doigt mouillé ou peut-être à l’intuition électoraliste, que la décision semble avoir été prise au cours de l’hiver par une équipe municipale aux abois.

Vous êtes filmés ! Enquête sur le bluff de la vidéosurveillance

Comme le rappelle Laurent Mucchielli : “les élus nationaux comme locaux ne décident pas fondamentalement d’investir l’argent public dans ce type de technologies en fonction de leur efficacité déjà éprouvée, et donc à nouveau espérée (il est au contraire démontré dans l’enquête que cela ne sert presque pas à améliorer la sécurité quotidienne des habitants). Ce sont d’autres raisons qui les motivent”. D’autres raisons ? Quoi ! Les élections locales à venir auraient-elles à voir avec ce revirement !?

Ce qu’il faut savoir

Depuis 2007, la vidéo-surveillance de voie publique s’est banalisée, y compris dans les villes voisines. Le sentiment d’insécurité, l’investissement par les municipalités de la thématique de la sécurité, les effets de mimétisme d’une ville à l’autre, la compétition politique sont autant d’éléments qui ont compté dans la promotion de l’outil.

Les principales critiques qui portaient sur l’émergence d’une société de surveillance et de contrôle généralisé de faits et gestes de chacun d’entre nous ne font plus tellement recettes. Les oppositions se sont affaiblies… ou les opposants se sont convertis ! Deux principaux registres de critique résistent cependant : la menace pesant à l’encontre des libertés publiques et l’efficacité de l’usage de la vidéosurveillance de voie publique.

Pour répondre à la première, des villes ont, par exemple, mis en place des commissions plurielles ou éthiques permettant d’encadrer l’usage et de contrôler le développement de l’outil. Pour répondre à la seconde critique – plus solide – les promoteurs de la vidéosurveillance sont davantage embarrassés.

Il est en effet difficile de montrer les effets dissuasifs de la vidéosurveillance de voie publique. Il faut aussi mettre en regard les résultats de la vidéosurveillance et son coût, notamment dans un contexte budgétaire contraint. La plus-value de l’outil en matière de réduction de la délinquance est peu étayée par des données significatives.

Mais, d’autres usages peuvent être promus, comme l’identification des auteurs de délits. Ce sont des dispositifs qui répondent d’abord à des logiques policière et judiciaire de traitement des délits et non pas à des préoccupations de prévention ou de dissuasion. Ce sont aussi des outils qui permettent de mieux gérer des (petits) désordres urbains. Ils aident au repérage des incidents et accidents du quotidien et peuvent servir à la gestion urbaine de proximité.


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