Mon job ? Rendre service ! #3

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L’été dernier, nous avions rappelé des moments oubliés de l’histoire de la commune. Cette année, nous souhaitons dessiner quelques figures d’agents publics locaux. Cette nouvelle mini-série estivale doit beaucoup aux échanges que nous avons avec les agents communaux. Les employés de mairie font rarement parler d’eux. La motivation de service public est souvent la plus forte, mais ils ne sont pas épargnés par la souffrance au travail.

Les raisons en sont multiples : les réorganisations menées au pas de charge, le surmenage, les conflits avec la hiérarchie ou entre collègues, les restrictions budgétaires, l’insuffisance des effectifs et la montée des exigences des administrés. Bref, les agents des communes ont besoin que le travail accompli soit reconnu, par leur encadrement, par les élus et par le public. En aidant à mieux les connaître, on espère y contribuer. Cette fois encore, on a fait appel à la « plume » imaginative et libre (très libre !) de Fabrice Hamelin.    

PORTRAIT # 3

Didier connait chaque coin et recoin de la ville. Il connait chacun par son prénom et par ses galères. Chacun connait son nom, sa voiture et ses enfants. Même les agents du guichet unique n’en savent pas aussi long que lui. Ils n’ont pas cette capacité à nommer et être nommé ! Même la petite Nina, avec son grand sourire, est venue lui demander des infos… Le plus souvent, cela l’amuse. Parfois, ça l’agace un peu. Pas possible de sortir son chien sans taper la discute, pas possible d’emmener les gamins aux compètes sans devoir taper la bise.  Mais c’est d’abord cela la compétence professionnelle d’un ASVP !

Didier n’a pas toujours été Agent de Surveillance de la Voie Publique. Il a eu plusieurs vies pro ! “Ado compliqué”, comme on disait à l’époque, il s’est engagé très jeune comme sapeur au 5ème RG à Versailles. Il a fait quelques années de gardiennage ensuite, en proche banlieue : Cachan, Montrouge, Arcueil et puis, un peu plus loin de Paris, à Noisiel quand les gamins ont grandi. Il est arrivé là, un peu par hasard. Le village a grandi au cours des années 1970-80. Un petit ensemble HLM est sorti de terre. Ensuite, avec l’aide à la pierre, des terrains agricoles ont été lotis. De nouvelles familles se sont installées et des bâtiments communaux ont dû être construits : un groupe scolaire, le centre culturel, un gymnase. A la fin des années 1990, un des gardiens est parti en retraite. Didier avait les qualités, l’énergie et l’envie. 

Il est devenu ASVP, par mutation interne, au cours du dernier mandat. Sans le vouloir. Comme les autres. Un mauvais concours de circonstance. Au départ, il y a Sarkozy, la RGPP et les promesses de campagne : le “non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite” ! La police nationale ne s’en est pas remise. L’annexe du commissariat, installée dans la commune, ferme. Aujourd’hui, c’est une “friche artistique”.  Cela le fait toujours sourire quand il y réfléchit ! Sous Sarkozy, toujours, le maire devient la clé de voute du dispositif de prévention de la délinquance dans sa commune. Jusqu’en 2014, l’équipe municipale ne semble pas bien comprendre ce que cela signifie. La presse locale en fait un sujet de campagne et puis il y a de vraies problématiques locales : le sentiment d’insécurité au pôle gare, des bagarres entre bandes de jeunes, des cambriolages, une population qui vieillit et s’inquiète. 

L’équipe municipale, qui se veut “créative” et se dit soucieuse des finances communales, invente le “pôle protection” ! Une nouvelle version du “schmilblick” ou du “canada-dry” comme l’a suggéré un collègue des services techniques : ça sonne comme une police municipale mais ce n’est pas une police municipale. Y a pas plus de policiers municipaux mais cinq agents techniques devenus ASVP ! Comme souvent, le principe de réalité sonne la fin de la récréation. Ce sont des squats, des bagarres plus violentes, des associations de riverains en colère et des échéances électorales qui approchent. A l’été dernier, la municipalité ne peut faire autrement que de recruter des policiers et vient même d’annoncer l’installation de cameras.

Au début, c’était un peu chaud. Pas de formation reçue, un simple agrément du Procureur de la République et le voilà avec de nouvelles missions. En tant qu’ ASVP, du fait de son uniforme, il était souvent assimilé aux policiers municipaux. Or il n’en a pas les prérogatives ! Ce qui est neuf, c’est qu’il a la possibilité de verbaliser le non-respect des arrêtés municipaux, ici, c’est essentiellement du stationnement. La confusion avec les policiers l’a parfois mis dans des situations compliquées. Il n’a pas été formé à cela et il n’a pas les outils pour. Non, ce n’était vraiment pas leur rendre service que d’ignorer les réalités d’emploi qui sont les leurs. Aujourd’hui, au boulot, c’est pas parfait mais ça va quand même mieux…

Didier se sait utile. D’abord, il a conservé une grande partie de ses missions de gardiens. Une commune ne peut pas se passer de gardiens ! Ensuite, ses nouveaux collègues s’appuient sur sa connaissance des lieux et des gens, sur sa capacité à entrer en relation avec tous les usagers de la rue. Il connait les « jeunes » depuis toujours. Les personnes âgées le reconnaissent toujours. Il se sent à l’aise dans les missions de médiation. Les deux policiers qui viennent d’arriver comptent d’ailleurs sur lui… pour deux ans encore. Après il “migre” au soleil, en famille, loin d’ici. Un retraité tranquille, mais avec des histoires à raconter, voilà ce qu’il entend devenir !   

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